19 au 26 mai
Galerie G de BR
Danville, Québec
Ma propre étreinte, 2024
Cette résidence artistique avait pour objectif de me recentrer sur moi-même et de m’accorder un temps précieux pour vivre mes émotions en solitaire. Il s’agissait de pardonner le passé et d'enlacer le présent. Ce fut un moment à la fois poignant et émouvant destiné à me permettre de ressortir léger et vivifié. Ayant célébré mes trente ans le mois précédent, je souhaitais également prendre du recul, réfléchir à ma position dans la vie, souligner les aspects positifs, les acquis, les obstacles, les rêves et les manques. Je désirais créer de nouveaux objectifs personnels et professionnels et y croire fermement. Ce fut une période de repli sur moi-même où j’en ai profité pour observer les arbres se déchaîner au gré du vent et à me sentir véritablement vivant.
Portrait de Danville
Nains de jardin et papillons plastifiés;
Fleurs séchées et clôtures arc-en-ciel;
Maisons colorées ou immaculées;
Jaune marine, vermillon et rose pastel.
Dans cette ville à deux rues et demie,
les lions de marbre jouent la comédie;
les carouges portent leur habit de prince,
parmi les girouettes ornementées qui grincent.
Sur la principale,
les vitrines scintillent de mille éclats,
les devantures rétro nous ramènent au cinéma.
Les bancs publics deviennent les confidents de nos secrets,
jusqu’au soleil couchant où la ville se métamorphose en cabaret.
Sur les secondaires,
des maisons étincelantes aux rideaux de satin;
des hectares de terrain, un brin d’histoire et trois salles de bain;
des lucarnes et des balcons où les chiens font leur marathon;
un étang, des piscines électriques et des constructions.
Parmi les trajets de pelouse à la douzaine,
les ventes de garage et les petites brocantes,
je fais mon entrée dans cette résidence,
non loin d’une fontaine de jouvence.
Les volets ouverts sur le monde,
j’écoute les chants d’été du motel d’à côté,
les piscines rieuses remplies d’enfants
et le grondement des moteurs s’excitant.
Les volets ouverts sur le monde,
je sens la brise des lilas se confondre
à la friture des patates de la reine,
jusqu’aux parfums des brassées de linge dehors au pollen.
Les volets ouverts sur le monde,
j’entends les carillons des églises
proclamer les heures et les demi-heures
du temps de personne et de tout le monde,
de cette préciosité à ne pas gaspiller.
Enchâssée dans la mémoire des trottoirs,
les pas de mes allers-retours à l’étang.
Cette résidence reste gravée dans ma mémoire,
et ce, encore pour longtemps.
La résidence
Dans cette ville aux charmes d'antan,
je profite de ce séjour vivifiant.
Sans porte-monnaie ni argent,
je vis d'amour et d'air, tout simplement.
Je mange de l'humus à la cuillère;
je bois du vin dans ma gourdinette;
je pleure la pluie du tonnerre;
je farandole la tête remplie de paillettes.
En habit d’été, les bas détrempés,
j’écris mes confessions d’un artiste accablé
sur les pages cirées d’un menu rapide
avec mon crayon mauve indélébile.
Les attentes pèsent et l’espoir vacille,
Une réponse sur deux et souvent négative,
Les finances s’effritent, la reconnaissance me fuit
Les doutes s’installent et l'inspiration meurt captive.
Je cherche l’équilibre, je lutte pour tenir,
Les nuits sont sombres, le soutien invisible,
Mais malgré les maux, malgré l’avenir,
Je continue, car l’art est inextinguible.
Suite à ce ruminement constant,
entre allers-retours et doutes lancinants,
j’ai épuisé l’encre de mon outil fidèle en fin de vie.
C’est bientôt la remise à zéro, pour une nouvelle symphonie.
À mon retour, je sais que pourrai marcher sur l’eau.
Libéré des chaînes qui me liaient à mes maux,
je pars la tête légère et le cœur sans linceul,
sans l’aide d’un héros, je me suis sauvé tout seul.
L'étang
Tous les jours, je passe devant le grand héron d’acier,
l’oiseau d’éther à plumes tranchantes qui attend patiemment les passants par milliers.
Tel un sphinx aux aguets, prêt à jouer aux énigmes, il nous ouvre le portail,
vers les milieux humides d’un étang sacré parmi des yeux globuleux me dévisageant.
Devant ce bassin béant aux boutons jaunes éclatants,
j’observe les canards sauteurs s’éclabousser dans leurs élans.
Je marche dans l’allée des petits protégés où monsieur outarde montre ses crocs.
Puis, au bout du premier quai, je retrouve mon ami le huard qui chante son bonheur en écho.
Parmi l’herbe échalote et la bave de crapaud,
il me partage les secrets de l’étang à travers la langue des oiseaux.
J’y apprends les nouvelles de l’heure tout en admirant les roses jaunes des marécages
comme des touches d’une peinture impressionniste sur le canevas des hasards.
Les nuages glissent sur l’eau au croisement de l’horizon;
les voies aériennes des oiseaux se confondent à celles des avions;
des écailles orangées luminescentes miroitent à la surface;
les arbres centenaires grincent comme de vieilles portes de grange au vent.
Tel l’aventurier du village,
j’explore la faune et les rivages,
avec mes jumelles, mon chapeau et mon parchemin.
L’inconnu m’attire, je ne crains rien.
Tel un vacancier solitaire,
j’expose ma peau diaphane à l’astre cuisant.
Je peins des couleurs tertiaires,
j’admire les ballons d’hélium et les nuages flottants.
Parmi les scarabées dorés vert émeraude et les cris gutturaux,
une douce mélodie me vient en tête et m’enlace par ses mots.
Le temps est bon; le ciel est bleu.
Hommage à cette chanson qui m’a rendu heureux.