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Lève les yeux, regarde le ciel

 

 

7 mars au 2 avril 2023

Bibliothèque de Chicoutimi

Le Lobe et la Ville de Saguenay

Nuages artificiels II - Usine d'incinération, 2023, Vidéo, 12 min

 

 

Nourrie par la lecture du petit ouvrage québécois Le Petit Guide des Nuages de Blandine Pluchet, cette exposition se présente comme une fenêtre ouverte sur ces phénomènes qu’on oublie trop souvent d’admirer ou de questionner. Multidisciplinaire, elle invite à prêter attention à la cohabitation troublante entre les nuages d’origine naturelle et ceux, artificiels, issus des usines. Elle explore les effets visuels, sensoriels et symboliques de la pollution atmosphérique sur notre perception du ciel. L’articulation entre le scientifique, le poétique et le pictural y est pleinement assumée. Les formes s’inspirent autant des formations nuageuses (cumulus, pyrocumulus, effets photométéorologiques) que de phénomènes cosmiques ou microscopiques.

À l’été 2021, j’emménage dans un nouvel atelier situé au deuxième étage d’un bâtiment industriel dans le quartier Limoilou. Par la fenêtre, je découvre un ciel constamment traversé de traînées épaisses, presque noires. Je ne parviens plus à distinguer les nuages naturels des rejets industriels. L’air est chargé d’odeurs de papier brûlé, de gaz, de poussière. Le vacarme des machines est incessant. Face à cette réalité brute, une prise de conscience s’opère : je ne peux plus regarder le ciel sans y percevoir l’impact des activités humaines.

Etienne Rousseau

 

Mes photos captent des instants de ciel saturé, des masses sombres et mouvantes, parfois percées de lumière où l’on peine à distinguer la nature de ce que l’on regarde. Elles figent des atmosphères denses, presque toxiques, comme des prélèvements visuels d’un air devenu opaque. Ces images deviennent des documents sensibles, des fragments de réel qui portent en eux une inquiétude sourde. La vidéo, quant à elle, rend visible le mouvement continu des fumées industrielles : on y observe les panaches artificiels se déployer lentement, s’enrouler, se disperser dans le ciel, jusqu’à se confondre avec les nuages naturels. Ces débouchés de cheminées deviennent presque chorégraphiques, troublants de beauté et de violence. Ensemble, ces captations visuelles prolongent la réflexion : que reste-t-il de ce que l’on croyait intact? Que devient le ciel lorsqu’on ne peut plus le lire?

Etienne Rousseau
Etienne Rousseau

 

 

Les couleurs utilisées dans les tableaux participent à cette tension : une teinte verdâtre toxique, quasi irrespirable, se confronte à des mauves-bourgognes évoquant les ecchymoses. Cette oscillation entre le céleste et l’organique crée un écho plastique entre le paysage et le corps. Le jaune-orange rappelle une chaleur sèche, presque suffocante. Par l’utilisation d’aplats texturés, je cherchais à représenter cette ambiguïté, cette confrontation entre deux mondes : celui de la nature et celui de l’artifice. Ces nuages-là n’apportent pas la pluie, mais une inquiétude sourde. Certaines œuvres portent des titres comme Givre ou Aube, et bien que les nuages soient présents, c’est le ciel dans toute son amplitude qui est au cœur de ma recherche. J’explorais alors des dimensions plus vastes, autant météorologiques que symboliques.

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Etienne Rousseau
Etienne Rousseau

 

 

En filigrane, un questionnement plus intime affleure : regarder le ciel, c’est aussi chercher un refuge. Un espace de paix, de rêve, de mémoire. Le ciel, miroir du paradis, théâtre du sublime, incarnation de la beauté, devient cette immensité silencieuse à laquelle on associe les absents, les anges, les disparus. Lieu des adieux et des espérances, il se charge d’un pouvoir symbolique : celui d’un seuil, d’un passage, d’une promesse suspendue. Mais ce ciel que l’on vénère, que l’on croit intact, s’altère. Les traînées d’avions, les fumées de trains, les nuages artificiels et les résidus d’explosions brouillent sa lisibilité, entachent sa pureté. Ce qui fut jadis la plus grande toile du monde, vaste et immaculée, devient un espace traversé d’ambiguïtés, chargé d’inquiétude. C’est dans cette tension entre splendeur et dégradation que l’exposition s’ancre.

Nuages artificiels I - Usine de papier, 2023, Vidéo, 9 min 30 s

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